Ras le bus !
Rejoindre Granada ce soir a été une experience proche de la croix et la baniere. Le ventre vide, de surcroix, et ceux qui me conniassent bien savent que c'est le genre de truc qui ne participe pas a ma bonne humeur...
Sans surprise, le chicken bus dans lequel je monte est plein a craquer. Il part pour Managua mais doit passer par Granada. Bien.
Rapidement,
un garcon se serre contre sa voisine pour me faire une place pres
d'eux. Le type chargé d'encaisser le voyage passe, et je lui tend mes
100 cordobas (le trajet en coute 27). Il me bredouille un truc que je
ne comprends pas, mais a la gestuelle, je pige qu'il me rendra la
monnaie des qu'il en aura. Soit.
Le bus continue a se remplir, et ca devient vraiment impressionant.
Quand le mec finit par repasser, un bon 1/4 d'heure plus tard, il me
dit que oui, il va me les rendre mes 3 cordobas (radine...). Non, cher
monsieur, il s'agit de 53. Le debat est lance, mon voisin ne se sent
pas concerne du tout quand le mec essaye de le prendre a temoin. Je lui
explique gentiment que je n'ai aucune raison de lui mentir, que je
n'avais pas de billet de 50 sur moi, que par consequent une erreur de
ma part est difficile a envisager. Je note aussi que mon voisin, lui,
lui avait donné 50, et que bien que je ne doute pas de sa bonne foi, il
a pu se tromper.
Au moment ou j'essaye de me faufiler dans la foule
pour reclamer mon du au chauffeur, c'est deja l'epreuve. Tout le monde
est entasse et la traversée releve du parcours du combatant. Le
chauffeur n'en a rien a foutre, mais il va quand meme demander a mon
voisin ce qu'il a vu, parce que le caissier affirme qu'il plaide en sa
faveur, ce qui est faux.
Bon, je reprends ma place difficilement. A ce moment la, c'est 15
fois plus de gens qu'on aurait pu imaginer pousser en force dans ce bus
qui montent. On frole l'incroyable. Les taxibrousse de Madagascar a
coté, c'est les bus RCA de Cannes. Il devient impossible aux uns et aux
autres de passer dans l'allée. A cote de moi se fige une bonne femme
qui me fait tomber sur la tete un sac lourd a trois reprises. Elle me
plaque de son ventre contre mon jeune voisin. Elle me fourre son coude
dans l'oeil en maintenant mal son sac, que je ne vais pas tarder a me
reprendre sur le coin du nez. L'odeur d'alcool ne tarde pas me
parvenir.
Mon voisin, comme tout le monde, case ses membres ou il
peut, mais je finis par me rendre compte que sa main est posée sur ma
queue de cheval, de maniere plutot affectueuse. Je ne dispose pas de 4
cm pour retirer ma tete, et ne peux faire qu'un petit mouvement
dissuasif.
La bonne femme completement bourrée, s'est mise a
pleurer. Au moment ou je releve la tete, une goutte me tombe droit sur
le front. Larme ou morve, j'aime mieux quand les gens gardent leur
liquides organiques pour eux.
Apres deux ou trois eclaboussures,
je crains qu'elle ne me vomisse dessus, et je me fraie un passage pour
me lever a cote d'elle et abandonner mon voisin d'humeur romantique.
Alors, elle ne se penche plus vers l'avant, mais vers la gauche. Elle
saisit la main d'une autre femme (je me trouve entre les deux) qui ne
la connait vraissemblablement pas, et lui caresse le bras comme si elle
voulait la reconforter. A cote, je remarque qu'un autre homme a l'air
completement saoul aussi.
A ce moment la, il est meme difficile de
trouver suffisemment d'espace au sol pour poser ses deux pieds de
maniere a garder l'equilibre. 10 minutes plus tard, c'est tout simplent
de poser les pieds, quelque soit leur emplacement, qui devient
chalenge. On est au moins 3 a macher sur mes tongs.
Ceux qui veulent
sortir poussent de toutes leurs forces, au risque d'etouffer les
enfants et plusieurs fois de me briser les os. Je respire profondement
pour eviter la clautrophobie, et je crains que quelqu'un pete les
plombs nerveusement, ce qui serait malvenu.
Mon arret approchant, il
a bien fallu passer entre les gens. La mission : faire passer une balle
entre les pieces bien imbriquées d'un tetris. J'en ai déchiré ma jupe,
mais je suis contente tout de meme d'avoir reussi a la garder sur les
fesses. Debout, je crains que quelqu'un m'y colle une main sallasse.
J'apprends la dessus que le bus ne me déposera pas a Granada, mais a
Masaya d'ou je dois en choper un autre. Ca fait deja 2 heures que ca
dure. Bonheur...
Quand
je finis par sortir, je redemande mon pognon
au chauffeur et au caissier. C'est en sortant que je pete les plombs,
et que je crie au bonhomme que je ne suis pas une putain de touriste
americaine, que si il veut éviter ce genre de probleme il n'a qu'a
rendre la monnaie sur le champs quand on le paye, et que j'ai besoin de
mon argent pour prendre l'autre bus
et un taxi. Comme s'est vrai, ca a du ajouter a ma force de persuasion.
Tous les regards sont braqués sur moi, et le mec fini par me rendre mes
sous.
L'autre bus ne tarde pas a arriver. Comme il est bondé aussi, je
saute par l'arriere, suivant un type et mon sac. La, il n'y a que des
hommes. Tous rient en gueullant, et nombre d'entre eux me dévisagent.
Je tire comme je peux sur mon écharpe pour cacher mon décolleté, loin
d'etre indescent. L'ambiance est aux marins, pirates, voir
conquistadors déoguttants. Pour la premiere fois de mon voyage, je ne
me sens pas en sécurité, je flippe. Certains gars me font des blagues
en argo, et je ne comprends rien. Il fait nuit, je reve du bus numero 5
de Nice, blindé aux heures de pointes.
Arrivée a bon port, je m'offre le luxe d'un taxi pour éviter de nouvelles surprises.
Voila, ras le bus, c'était la chronique d'un coup de gueulle. Pour rejoindre le Costa Rica, c'est décidé, je pose mon cul dans un bus direct de premiere classe dans lequel tout le monde est assis. Le prochain message sera positif, c'est promis :-)