Mexique - Oventic, caracole zapatista
"Pour eux, nos histoires sont des mythes, nos doctrines sont des legendes, notre science est magie, nos croyances superstitions, notre art est artisanat, nos jeux, nos danses et nos vetements sont folklore, notre gouvernement est anarchie, notre langue est dialecte, notre amour est peche et bassesse, notre demarche est trainante, notre taille petite, notre physique laid, nos manieres incomprehensibles. Ils nous "civiliserent" hier, et veulent aujourd'hui nous moderniser." discours de Marcos
Je me suis rendue aujourd'hui a Oventic, dans les montagnes de San Cristobal.
Je vous introduis (en resume, resume) l'histoire du mouvement zapatiste.
Le
1er janvier 1994, alors que se signe l'Accord de libre echange
nord-americain, qui associe le Mexique aux Etas-Unis et au Canada, les
paysans indiens se soulevent et prennent les armes. Ils prennent pour
modele Emilio Zapata, d'ou le nom du mouvement : EZLN, Ejecito
zapatista de liberacion nacional. Ils reclamment la fin de la
"dictature", et revendiquent le droit au logement, a la terre, a la
sante, a l'education, au travail, a la justice, etc... mais surtout la
reconnaissance de leur culture et de leur identite. La Constitution du
Mexique ne reconnait toujours pas l'existence des peuples indigenes,
pourtant 10% de la population mexicaine.
La guerilla compte 3000 a
5000 indigenes, et occupe 4 bourgades du Chiapas, dont San Cristobal de
las Casas. Evidemment, le gouvernement declanche une contre-offensive,
qui fait plusieurs centaines de morts.
En 1994, apres quelques
espoirs d'ouverture d'un dialogue avec le gouvernement, la pression
militaire s'accroit. Les territoires zapatistes sont occuppes par
l'armee, le president Zedillo ordonne l'arrestation de Marcos et autres
dirigeants. C'est une importante mobilisation nationale et
internationale qui permet de retablir le dialogue. Est creee une
Commission de concorde et de pacification , la Cocopa. Malgre ca, 17
paysans sont massacres lors d'une manifestation pacifique.
Le 16
fevrier 1996, sont signes les accords de San Andres, sur les "droits et
cultures indigenes". Aujourd'hui, ils ne sont toujours pas appliques.
22 decembre, au village d'Acteal, 45 personnes, dont un bebe, 14
enfants et 9 femmes, sont masacrees par un groupe de paramilitaires. La
police aurait protege les paramilitaires, et tente de faire disparaitre
les corps !!
L'opinion publique est pour la demilitarisation du
Chiapas, tout comme les Nations unies aux Droits de l'homme. Pourtant,
aucune avancee concrete.
J'ai ete surprise de la maniere dont j'ai ete recue a Oventic.
J'avais entendu dire qu'etre recu dans un lieu inconnu par des hommes
cagoules etait tres impressionants, mais la premiere chose que j'ai
remarque etait des yeux souriants derriere la cagoule.
On me
recoit d'abord a la Vigiliancia (je tiens a precisier que sur la photo
sur laquelle on voit un homme devant ce bureau, c'est lui qui a voulu
se glisser dans le decors, a mon grand etonnement...moi je visais la
montagne et les peintures). "Qui es-tu?", "d'ou viens-tu?", passeport,
profession... "Fais-tu partie d'une organisation?", "Quel est le but de
ta visite?" J'explique que je viens pour etre informee sur
l'organisation et l'histoire de l'EZLN, et on me dirige vers la
Commission de explicaciones (si je ne me trmpe pas de terme...)
Je
suis la aussi recue par trois personnes cagoulees, dont, au milieu, une
femme en costume traditionnel. C'est elle qui prend la parole, et qui
me recite, a demi-voix, un texte surement connu par coeur qui relate
l'histoire du mouvement. Elle m'informe egalement que de nombreux
volontaires restent regulierement au caracole plusieurs jours ou
plusieurs semaines, pour effectuer des travaux de constructions, des
ateliers pour les enfants, aider a la clinique, etc...
Voyons la
scene d'en haut. Une grande table, cette femme qui recite tout
doucement, des travaux a l'exterieur qui couvrent le discours. Autour
d'elle, les deux hommes, cul au bord extreme du banc, et jambes
etendues, on l'air de s'endormir. Et en face, moi, toute seule, au
milieu d'un grand banc un peu loin du bureau (impression de passer un
entretien d'embauche), qui tend l'oreille en rapprochant le buste le
plus possible des sons qui m'arrivent a moitie.
Un des deux hommes
se reveille pour repondre a mes questions. Je suis etonnee de voir que
les femmes ont un role important dans la vie politique de
l'organisation. On m'explique qu'il serait completement absurde de
lutter pour l'egalite et la justice, et de pratiquer la descrimination
sexuelle, ce qui me sonne plutot bien. Plus tard, je remarque sur un
des murales une reference a l'homosexualite, appel au respect des
libertes individuelles.
On aborde differents sujets, corruption du
gouvernement mexicain, problemes lies au prix de vente de l'artisanat
ou du cafe, importance du commerce equitable, organisation du systeme
educatif, perspectives d'avenir, etc... Aucun dialogue espoir de
dialogue avec le gouvernement.
On me dirige ensuite vers la Junta de guengovierno, qui me delivre
une autorisation ecrite pour visiter les ecoles et ateliers
d'artisanat. La aussi, etonnement, pas une fois on ne me demandera le
dit papier.
Il n'y avait pas de classe aujourd'hui, pour la fete de
la San Andres. Je fais quand meme le tour de l'ecole avec grand
interet, et m'impregne de ses nombreux murales, avant de me rendre dans
les differents ateliers. Sur le retour, je fais connaissance avec trois
gamins, pour une partie de foot. Ils me piquent mon papir de laisser
passer, se l'arrachent les uns les autres, et je dois prendre le ballon
en otage pour recuperer le precieux papier.
Je rencontre egalement quelques volontaires. Un francais et une anglaise qui preparent un atelier papier mache et recyclage pour les gosses, et deux portugais qui font des travaux de constructions. Croise aussi une fille d'amnestie internationale. Tous vont rester de quelques jours a quelques semaines.
Nous sautons ensemble dans un camion pour rejoindre la fete de San Andres. Tout le monde y est saoul, fanfares et fete foraine (faut la voir pour la croire, on entend tout grincer!!!) Je goute un breuvage merveilleux, qui apparement fait des degats, le pounche (quelqu'un sait-il???), truc bouillant a base d'ananas, pomme il me semble, et alcool non identifie. Je sollicite votre aide.
Je garderai de cette derniere journee au Mexique beaucoup de souvenirs, de sourires, d'interrogations. Plus que des dans des paysages, nous voyageons dans des pays. Je vais quitter celui-la demain a la premiere heure le coeur gros.
MERCI MEXICO !!!!